-Quand les vielles habitudes reviennent...-PV Ahadi-

(Gras : Paroles) (Italique entre "" : "Pensées")

Très tôt dans la matinée, le jeune lion nommé Ahadi avait quitté le rocher de la fierté afin d'aller faire un tour de garde aux frontière du royaume. Il n'avait jamais été un gros dormeur mais depuis la mort de sa mère, il ne dormait qu'encore plus rarement qu'à l'accoutumée. En revenant au rocher il vit les sentinelles que le roi Mohatu avait chargé de surveiller sa fille, la princesse Uru, depuis l'assasinat de son frère Mathu par son autre frère, le prince déchu Tarok. Si autrefois Ahadi avait aimé ce lion comme un frère, il n'éprouvait aujourd'hui plus que du dégoût et de l'aversion pour lui, il n'était rien de plus qu'un vulgaire renégat à ses yeux désormais. Et la seule justice qui pourrait être rendue serait qu'il périsse à son tour, ce qu'il sait que le roi en personne s'emploie à faire.

Bien sûr il était inquiet pour lui car il n'était plus tout jeune et qu'en cas de combat contre Tarok, il risquait fort de perdre la vie lui-aussi. Mais si cela devait se produire il ne pourrait de toutes façons rien y faire. Tout ce qui vit doit mourir un jour, et il n'y a pas d'exceptions pour les rois et les reines. En revenant au rocher il alla à la rencontre de la princesse Uru, constatant son absence du rocher il entra dans une violente colère et manqua de tuer les deux incapables. S'il y avait une chose qu'il ne supportait pas c'était l'inneficacité, et ces deux là venaient d'en faire les frais. Il partit furibond à la recherche de l'héritière du trône.

"- Princesse ! Princesse Uru ! Où êtes vous ?!" Son coeur tembourinait dans sa poitrine. Il ne supporterait pas de la perdre, pas elle. Pas elle aussi. Il avait déjà trop perdu et refusait d'en perdre d'avantage avant que l'heure ne soit venue. L'heure d'Uru ne pouvait pas être arrivée, pas déjà. Il arrivait aux alentours de l'étang en espérant qu'il la trouverait ici. En voyant une lionne se désaltérer il la reconnut et courrut vers elle.

- Uru ! Pourquoi as-tu quitté le rocher comme cela ? Je me suis fait un sang d'encre.

Il n'était pas de ses habitudes d'être aussi direct et de dire aussi franchement ce qu'il ressentait. Hormis à la princesse quand ils étaient seuls il ne parlait ainsi à personne d'autre. Il lui semblait malséant, eut égard à son rang, de l'appeller par son nom en présence d'autrui. Il attendait une réponse de la jeune lionne. Au fond de son coeur il connaissait la réponse, mais il voulait l'entendre venant d'elle pour en être sûr.

Immédiatement elle le reconnut et s'avança vers lui pour le rassurer. Il l'était déjà quelque peu en voyant qu'elle semblait aller bien mais ne fut totalement rassuré que quand il l'entendit lui dire qu'elle allait bien. Entre le deal était simple, pas de mensonges et pas de faux semblants, la vérité pure et dure. Il comprenait la jeune lionne, cela ne devait pas être facile de vivre comme elle vivait depuis la trahison de Tarok. Il n'eut aucun mal à la croire car du rocher à l'exception de son père, il était sans doute celui qui la comprenait le mieux.

- Uru.. Je...

Il s'apprêtait à prononcer les mots peut-être tant attendus, et parallèlement tant redoutés, ceux qui à jamais lieraient leur destin. Il était nerveux et tendu comme ce n'était pas possible mais il ne pouvait plus attendre. Il fallait qu'il le lui dise maintenant s'il voulait vraiment que cela arrive. Il souhaitait ardemment de tout son coeur, de toute de son âme. Son être entier s'était comme embrasé. Ses joues s'empourprèrent et il n'arrivait plus à articuler convenablement sans bafouiller. Il prit une grande inspiration et décida de se lancer.

- Uru... Je ne ferai pas de détours. Je te prie de m'en excuser mais je ne peux plus me mentir à moi-même et pire, te mentir.

- Je t'aime Uru... Je ne supporterai pas qu'il t'arrive malheur à toi aussi. J'ai déjà perdu bien assez d'êtres chers comme cela. Il faut que cela cesse.

Il avait été totalement sincère du début à la fin. Il n'avait jamais été aussi sincère de toutes sa vie. Il était totalement conscient de l'engagement qu'il prenait et de la probabilité qu'Uru ne l'aime pas comme lui l'aimait. Mais si tel devait être le cas il se forcerait à l'accepter. Le choix lui revient à elle et à elle-seule.

Elle n'en croyait pas ses oreilles, bien évidemment. Le contraire eut étonné Ahadi. Il aurait eu mille fois l'occasion de le lui dire, mais à chaque fois il se trouvait une raison pour ne pas le lui dire. Ce n'était pas vraiment de la lâcheté, il avait plus eu peur que ses sentiments ne soient pas partagés par la jeune lionne et, dans cette optique là, avait préféré ne rien lui dire à ce sujet. Il y avait aussi, il fallait bien l'admettre, la peur qu'elle le ne veuille plus lui parler après si leurs sentiments n'étaient pas réciproques.

A présent il se rendait compte à quel point il était dans l'erreur en agissant de la sorte. Uru l'aurait frappé à cet instant qu'il n'aurait même pas répliqué parce qu'il savait, au fond, qu'il le méritait. Mais elle n'était pas ce genre de lionne, elle se contenta de lui tourner autour et de le traiter d'imbécile. Ce qu'il était de toute évidence.

- Je suis désolé Uru... Je sais que j'aurais du te le dire beaucoup plus tôt. La moindre des choses que je puisses faire est de t'expliquer les raisons de mon silence jusqu'à aujourd'hui.

- J'ai craint, si je t'avouais mon amour pour toi et qu'il n'était pas réciproque, de te perdre pour de bon. Je ne l'aurais pas supporté. Mes sentiments pour toi ont toujours été, mais jamais je n'ai osé les dire à cause de cette peur.

- Je réalise maintenant le sot que j'ai été pendant tout ce temps où je me suis tut. J'aurais dû venir vers toi bien plus tôt et te dire la vérité il y a bien longtemps déjà. Je regrette de ne pas avoir eu ce courage avant aujourd'hui.

Il était sincère. En temps normal il détestait mentir et ce à qui que ce soit. Mais à Uru au delà de ne pas aimer cela, il était tout bonnement incapable de lui mentir. Il la connaissait et elle le connaissait depuis si longtemps que lui mentir était inenvisageable, ce serait la plus terrible insulte qu'il pourrait lui faire. S'il avait agi de la sorte il aurait compris qu'elle ne veuille plus jamais le voir, ni lui parler, ni même entendre parler de lui.

- Uru...

Il répondit à la tendre lèche de la lionne et s'allongea, l'invitant à venir le rejoindre au sol. Pour l'heure il n'avait aucune envie de rentrer au rocher. Tout ce qu'il voulait sur l'heure c'était être seul avec Uru, loin de tous les autres et de leurs sempiternels problèmes. Il avait lui aussi ses problèmes mais il ne comprenait pas ceux qui s'ouvraient de leurs problèmes au premier inconnu qu'ils rencontraient sous prétexte qu'il semblait digne de confiance. En l'instant il désirait juste être seul avec cette lionne qui, depuis leur adolescence, s'était emparée de son coeur sans même le savoir.

Plus que toute autre chose, Ahadi se sentait confus. Confus et honteux. Il s'en voulait de n'avoir rien dit plus tôt à la jeune lionne au pelage brun qu'en vérité, il aimait depuis le premier jour où il avait posé son regard sur elle. Il ronronna quand elle vint le rejoindre au sol et lui fit une tendre lèche sur le museau. Elle se blottit dans sa crinière et il ronronna de plus belle

Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas ressenti un tel sentiment de paix et de sérénité étreindre son coeur. Apprendre qu'elle ne lui tenait pas rigueur de son long silence acheva de le détendre. Il sourit et lui adressa les mots les plus doux qu'il n'ait jamais prononcés de toute sa vie, et qu'il ne prononcerait sans doute jamais.

- Ne t'excuses pas voyons... Si quelqu'un ici a commis une faute c'est moi. Tu n'as absolument rien fait de mal. C'est moi qui aurait dû m'ouvrir à toi bien plus tôt que je ne l'ai fait.

Le contact entre eux se rétrécit encore et il désirait au plus profond de son coeur ne jamais avoir à le rompre. Il voudrait que cet instant magique entre eux dure pour toute l'éternité, mais il savait pertinemment que cela leur était impossible. Uru deviendrait reine et si leur idylle durait, il deviendrai le prohain roi de la terre des lions. Il n'avançait rien, leur amour était si récent qu'il était encore bien trop fragile pour qu'il puisse se le permettre. Il décida d'ouvrir à la jeune lionne aux yeux chattoyants comme des rubis.

- Uru... Je voudrais que cet instant de paix et de sérénité puisse durer une éternité. Mais nous allons devoir rentrer bientôt. Ton père va s'inquiéter s'il ne te trouve pas au rocher.

Il ne voulait pas se montrer inconvenant, il ne faisait que dire la pure et simple vérité. Le roi avait déjà suffisemment de tristesse d'avoir perdu un fils et de colère envers son autre fils qui les avait tous trahis en le tuant. Il était inutile d'en rajouter une couche en lui faisant croire que sa fille, le seul enfant qu'il lui restait, lui avait aussi été arraché.